Éthique du Travail
- lroche1240
- 2 juil.
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Le travail n’a jamais rendu libre – c’est là une imbécilité de l’histoire !
Le travail forge la dignité (Loïck Roche)
Travailler, c’est déjà commencer... Et commencer, c’est déjà faire la moitié du chemin. Travailler, c’est batailler. C’est entrer dans la solitude. C’est accepter d’être un lutteur solide. « C’est comme dans la grammaire latine : tu te souviens ! La signification l’emporte sur la terminaison » (Dostoïevski).

Le travail, c’est difficile. Pas toujours brillant. Cela exige beaucoup de sueur. Cela demande abnégation, patience. Antithèse du « sitôt dit, sitôt fait » des contes de notre enfance, entrer dans le travail, c’est entrer dans le principe de réalité. C’est pourquoi, s’il exige des efforts, nous devons nous en réjouir. Première leçon de la vie, « pour que la vie se développe, le travail, voire le travail du travail, est nécessaire » (Primo Lévi), rien ne peut remplacer le travail. Il n’est pas de seigneur en dehors des salles obscures, en dehors des livres. Toutes et tous, nous devons travailler. Comme des moujiks. « Travailler, travailler, voilà l’obligation du gentilhomme. Oui, travailler, travailler encore, comme le dernier des paysans ! » (Dostoïevski, Stiépantchikovo et ses habitants).
Ici, comme ailleurs, de grands avantages ne peuvent s’obtenir qu’au prix de grands efforts. Tout le reste n’est qu’illusion. Si c’est tout le drame de la première moitié de la vie de Raskolnikov, le héros de Crime et Châtiment, c’est de la compréhension que la vraie vie n’est pas donnée pour rien que va se concrétiser toute la chance de la deuxième moitié de sa vie. « Raskolnikov ne se doutait pas que cette vie nouvelle ne lui serait point donnée pour rien et qu’il devrait l’acquérir au prix de longs efforts héroïques... » (Dostoïevski).
Là où Jean Sébastien Bach pensait : « Celui qui s’appliquerait autant que moi, ferait aussi bien », Leibniz posait cette question, essentielle : « Qu’est-ce qui fait que ce matin je vais choisir d’aller à ma table de travail plutôt qu’à la taverne ? »
Le travail, parce qu’il participe à conquérir de nouveaux territoires, parce qu’il participe à construire des plaisirs autrement plus intéressants que les plaisirs à bon marché, favorise la capacité des personnes à faire mieux avec ce qu’elles sont. Voilà pourquoi, si c’est difficile, si c’est besogneux, le travail ne déçoit pas. Chaque fois, nous rappelle Stephan Zweig, dans La guérison par l’esprit, qu’un individu a osé, armé de sa seule foi, travailler d’arrache-pied, mais aussi avec passion, il a su communiquer à ses équipières, à ses équipiers, son énergie intérieure et tirer des forces extraordinaires : le meilleur de chacune d’elles, le meilleur de chacun d’eux.
Au-delà du travail, il faut agir avec pragmatisme et intelligence. Être pragmatique, c’est vouloir être efficace. C’est connaître ce précepte de Stendhal : « Pour réussir bien ce que nous voulons faire, il nous faut être secs, clairs, sans illusion. » Être pragmatique, c’est tout autant ne pas chercher midi à quatorze heures. Souvenons-nous de La lettre volée d’Edgar Poe ou, encore, du dernier vers d’une fable de Krylov, La Cassette, où un soi-disant expert en mécanique se fait fort et s’efforce en vain de trouver le secret d’une cassette qui n’a même pas de serrure... « Il suffisait de lever le couvercle... »
Travail, pragmatisme, intelligence, tout cela ne suffit pourtant pas. Ce qu’il nous faut, c’est faire montre de courage. Travailler dur et voler bas. Tenir un cap. Ne pas céder aux pressions. Ce qu’il nous faut, c’est batailler. Apprendre à nous faire respecter. Ce qui veut dire se respecter soi. Ce qui veut dire faire acte d’autorité.
« C'est le travail qui nourrit l'homme ! C'est par le travail que l'homme se transforme. Le travail est indispensable au bonheur de l'homme ; il l'élève, il le console ; et peu importe la nature du travail, pourvu qu'il profite à quelqu'un : faire ce qu'on peut, c'est faire ce qu'on doit » (Karl Marx)
Si le travail n’a jamais rendu libre – imbécilité de l’histoire – c’est l’accès à la culture, la capacité à ressentir des émotions, qui rend libre – le travail, dès lors qu’il y a volonté de travailler, fait condition à la dignité.



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