Grenoble 2026 : Pour une écologie et une croissance... soutenable
- lroche1240
- 18 juil.
- 6 min de lecture
« S’il n’y a pas de possibilité de trouver de la valeur économique à un projet écologiste qui a pour souci la valeur du monde, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Tout l’enjeu du développement durable, c’est de relier la question de la régulation écologique à la question des inégalités sociales, à la question du développement économique » (François Hubault)

Lutte contre les îlots de chaleur, verdissement des villes, reprise en main de la politique de la gestion de l’eau, stratégie bas carbone, pérennisation du Fonds vert, ces mesures, si elles sont nécessaires, parce qu’elles passent peut-être à côté de l’essentiel, sont insuffisantes. Comme d’ailleurs, si l’on devait tirer le fil jusqu’au bout de la radicalité des mesures qui pourraient être prises, décider de la seule décroissance. Exprimée comme cela, une impasse ! J’y reviendrai un peu plus loin.
Cette forme d’écologie, centrée sur notre seul environnement, j’en reconnais le mérite. Celui de nous avoir rendus inquiets, réveillés pour les moins lucides. Riche d’un "nouveau glossaire" – pour reprendre les mots de Sébastien Mittelberger – à l’écoute désormais du pouls et avenir de la planète. Compréhension que nous avons toutes et tous un destin collectif. Une responsabilité commune dans la transmission du patrimoine vivant aux générations futures.
Cette forme d’écologie, qui pourrait être dite première, a réussi. Elle a fait de nous toutes et tous des écologistes. C’est-à-dire, comme le voulait Aldo Leopold, forestier américain de la première moitié du XXe siècle, et comme le rapporte Catherine Larrère, professeure à Paris I, des êtres qui, parce qu’ils interviennent dans leur quotidien directement ou indirectement sur la nature, sont conscients des coups qu’ils donnent et s’intéressent aux conséquences de leurs actions. Mais, parce qu’elle pose en premier la nature naturante en quelque sorte, le risque pourrait être de faire l’impasse sur la radicalité et place de l’homme.
L’écologie n’est pas qu’extérieure aux personnes, elle est aussi intérieure aux personnes
Pour Christian du Tertre, Professeur à Paris VIII, c’est là, dans la convergence entre ce qui est extérieur et intérieur aux personnes, que se trouve ce passage qui permet d’évoluer d’une écologie finalement limitante vers la notion très vivante de développement durable. C’est-à-dire la capacité de concilier l’écologie, la réduction des inégalités sociales, et le développement économique. Ouverture à une écologie humaine que je promeus et appelle de mes vœux. Pour notre territoire, bien sûr, mais aussi pour notre monde.
Pour une écologie humaine
Une écologie humaine, c’est une écologie, où l’on « pense l’activité de travail dans sa résonnance avec l’ensemble des activités des hommes et des femmes à l’échelle de la totalité du monde qu’ils fréquentent » (Pierre Cazamian).
Ouverture à une « expérience du travail, dans le travail, dans le vivre ensemble, en lien avec l’environnement et les rapports qui se tissent entre ces plans » (François Hubault, Professeur Émérite à Paris I).
Ouverture à une capacité à prendre en compte ce qui se passe et pas seulement ce qu’on voudrait qu’il se passe. Je pense aux commerçants, aux automobilistes, aux entrepreneurs, aux personnes en difficulté, aux personnes âgées, aux personnes sans emploi. Mais aussi aux territoires délaissés. Des territoires laissés-pour-compte d’un discours parfois autocentré et excluant, quand il ne disqualifie pas. Là où ce discours devrait être, au contraire, porté par un projet partagé qui le dépasse et s’ouvrir pour inclure, inspirer.
Pour réussir, il ne suffit donc pas d’être d’accord sur les objectifs, d’être d’accord sur le fond. Tout le monde est d’accord sur le fond, tout le monde est d’accord avec les objectifs. Il est bien évident que personne ne veut respirer des gaz d’échappement. Comme il est tout aussi évident que personne ne veut vivre dans une ville sale, bruyante, polluée.
Pour réussir, il faut construire un accord sur les conditions à réunir pour réussir ces objectifs. « Cela passe par la coopération des acteurs sur ces questions et c’est cette coopération qui nous amène à réfléchir au modèle économique capable de donner un peu de viabilité, de capacités concrètes. Sinon, on décroche trop l’ambition que l’on a des moyens pratiques par lesquels on y arrive » (François Hubault).
Comme je le dis souvent, si on ne pense pas aussi en termes économiques, on tue deux fois les velléités réelles et sincères du bien-faire. Que ces velléités soient sociales, culturelles, environnementales. D’une part, par défaut de moyens à mettre en face, on tue toute amélioration et évolution. D’autre part, là aussi par défaut de moyens, on tue le peu qui existait.
S’il n’y a pas de possibilité de trouver de la valeur économique à un projet écologiste qui a pour souci la valeur du monde, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Tout l’enjeu du développement durable, c’est de relier la question de la régulation écologique, à la question des inégalités sociales, à la question du développement économique (François Hubault)
Poser une écologie humaine en même temps que l’écologie qui pose la priorité de notre environnement, c’est poser que l’écologie « devient une préoccupation et, en même temps, une opportunité pour reconsidérer les conditions du développement économique et la place des êtres humains dans cette dynamique écologique » (Christian du Tertre).
C’est travailler sur l’impossible contradiction à long terme entre l’équation écologique et l’équation économique. C’est comprendre l’urgence à trouver une voie par laquelle la création de valeur n’emprunte pas la voie de la mobilisation et de la destruction des volumes » (François Hubault). C’est dire – et ce n’est pas un gros mot – que l’écologie, pour être possible, doit porter et être portée par de la croissance. À entendre – et nous sommes bien d’accord lorsque nous parlons de croissance – une croissance, oui, mais soutenable !
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Retour donc, je vous l’avais promis, sur l’économie verte. Les propositions actuelles reprises par beaucoup de parties, et aussi des partis politiques, ne répondent pas nécessairement à cet enjeu. Pour Jean-Sébastien Pierre, « elles ne posent pas les problèmes là où on devrait les poser, c’est-à-dire au niveau du modèle économique sur lequel repose aujourd’hui la rentabilité. » Il faut donc envisager le modèle de rentabilité sous-jacent aux modèles économiques sur d’autres bases. Trouver un système, explique Jean-Sébastien Pierre où, tout en limitant l’usage de la matière, les entreprises et les organisations pourraient, par accroissement de leurs capacités d’investissements, être rentables.
Il faut donc, encore et toujours, penser les choses différemment. « Penser en termes de décroissance de l’utilisation des ressources, mais de croissance des conditions de leurs usages. » C’est cela la définition d’une croissance soutenable. « De telle manière, poursuit Jean-Sébastien Pierre, que les conditions dans lesquelles ces biens sont utilisés, proposent des solutions qui, elles, parce qu’elles offrent plus de services, offrent plus de valeur auprès des populations ou auprès des entreprises. » Ce qui veut dire travailler sur un développement économique fondé sur le développement de l’usage de ressources immatérielles associé au développement des services.
Pour une économie de la fonctionnalité et de la coopération
« Il faut donc engager une logique d’effet ciseau de telle sorte que les entreprises [comme nous venons de le voir] assoient leur rentabilité sur une réduction de la matière, un développement des services, une offre de solutions plus utile en matière de mobilité, plus utile en matière de santé. Plus utile dans la manière d’habiter la ville, la campagne, plus utile en matière culturelle. […] Cette utilité pouvant se mesurer au niveau individuel, en fonction de préoccupations par rapport à certaines attentes. Mais aussi des formes d’utilité plus sociales, plus collectives, qui permettent d’établir des liens sociaux qui permettent de tenir ensemble, ce qu’on appelle le vivre-ensemble. Des effets utiles enfin qui peuvent être publics, territoriaux. Qui prennent en charge la question de l’écologie et la question de l’avenir de la planète. Cette orientation que l’on appelle « économie de la fonctionnalité et de la coopération », qui rompt avec la question des volumes, nous invite à inventer de nouvelles formes de relations entre les partenaires, entre les organisations, de nouvelles formes de coopération entre les organisations et les territoires » (Jean-Sébastien Pierre).
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Aujourd’hui, la situation écologique est si alarmante que les mesures adoptées, bien qu’utiles, se révèlent souvent inefficaces au regard des ambitions affichées. Des ambitions mille fois légitimes !
Avec l’ambition de contribuer à améliorer le bien-être des hommes et des femmes, dans un juste et parfait alignement avec le vivant et la Planète, il faut donc penser, de façon systémique, les liens entre le social, l’économique, et l’environnement. Et ce, dans la logique d’un monde à affronter, de problèmes à rencontrer, de questions à prendre en charge (François Hubault).
C’est cette transition et conciliation entre écologie et croissance soutenable qu’il faut opérer. C’est cette dimension qu’il faut porter sur la scène politique. Pour une voie juste, saine et durable, pour Grenoble, pour notre territoire. Mais pas seulement !



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